Petite Chronique Médico-Judiciaire

Dr Franck CHLEIR

 

Deux poids, deux mesures ?

Notion de défaut d’information et de perte de chance

Cours d’Appel de Paris 15.11.2001

Patiente suivie depuis plusieurs années pour rectorragies qui subit en juin 1993 une 1ère coloscopie qui révèle l’existence de polypes intestinaux bénins

•Nouvelle coloscopie en novembre 1996 motivée par de nouvelles rectorragies ; pneumopéritoine ; transfert ; intervention chirurgicale ; réintervention pour rétablir la continuité intestinale.

•Expertise : le déroulement de la coloscopie s’est fait de façon tout à fait régulière, sans aucune fausse manœuvre ; aucun geste traumatique ne peut expliquer cet accident

•TGI Paris condamne le gastroentérologue à indemniser le préjudice

•CA : pas de faute ; risque accidentel inhérent à l’acte médical (aléa)

•Absence d’information quant au risque

•Mais intervention indispensable ; pas de perte de chances : eu égard au risque de cancer, même dûment informée, la patiente se serait prêtée à l’acte.

                                               ____________

Cours d’Appel de Versailles, 09.11.2001

•Coloscopie à but diagnostique, perforation, péritonite opérée 4 jours plus tard

•Expertise : la charnière rectosigmoïdienne a été perforée au cours de l’acte ; ce type d’accident est habituellement dû au débouclage de l’appareil qui, au cours de sa progression, peut mettre en tension une zone intestinale qui va, soit se déchirer immédiatement ou, comme en l’espèce, être fragilisée avant de se rompre quelques jours plus tard ; pas de faute, aléa inhérent à ce type d’intervention

•TGI Pontoise 10.02.1998 : condamnation du gastro à réparer l’entier préjudice. Appel

•Le praticien ne démontre pas avoir informé le malade du risque grave de perforation, d’où une perte de chance

•Le malade avait été adressé par son médecin traitant en raison de douleurs abdominales intermittentes depuis 2 mois et de gêne au transit ; pas de sang dans les selles ; examen clinique normal ; preuve d’un amaigrissement contestée

•Le risque de cancer apparaissant particulièrement faible, le malade aurait renoncé à l’acte en cas d’information dans une proportion de 80 %.

•Condamnation à 86.875,34 €.

Commentaires  :
En apparence les deux cas sont superposables. Mais on peut constater qu’il y a la loi et l’esprit de la loi. Dans ces deux cas c’est l’esprit de la loi qui prévaut. Dans un cas on présume que l’information du patient aurait modifié la décision de celui çi, dans l’autre, cela n’aurait rien changer.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que le défaut d’information des patients par les médecins constitue une faute déontologique (article R 4127-35 du Code de la santé publique) mais aussi une infraction civile (article L1111-2 du code de la santé publique). Le non-respect du devoir d’information cause toujours un préjudice, même si l’acte médical est hors de critique (Cours de cassation, 1ère chambre civile, 26 janvier 2012, n°10-26705). Un arrêt du 25 janvier 2017 de la cour de cassation  justifie la réparation de deux préjudices distincts mais cumulables : le premier lié à la perte de chance, le second lié au préjudice moral d’impréparation au dommage.